Décarbonation de l’industrie : le rôle de l’hydrogène vert

La stratégie française hydrogène vise en priorité à développer des projets de l’ordre de plusieurs centaines de mégawatts dans des grands bassins industriels. Si ces projets sont indispensables pour massivement décarboner nos raffineries, sidérurgies, usines de production d’ammoniac etc., nous pensons chez CVE que soutenir des projets décentralisés est tout aussi essentiel.

La stratégie française hydrogène vise à faire de la France le leader de l’hydrogène décarboné, c’est-à-dire peu émetteur de CO₂, d’ici 2030. L’hydrogène décarboné est en effet une des solutions pour répondre aux besoins énergétiques de l’industrie tout en réduisant massivement ses émissions de gaz à effet de serre (GES).

Pour répondre aux besoins des industriels, l’hydrogène produit en France doit répondre à trois exigences :

  • Être compétitif, sachant que le coût de production de l’H2 gris se situe en deçà de 2€ le kg d’H2
  • Être bas-carbone
  • Être produit en continu, ou du moins selon la courbe de consommation de l’industriel
En France, l'industrie consomme 900 000 tonnes d'hydogène par an

Réduire le coût de production de l’hydrogène décarboné : la taille n’est pas le seul critère

Avec moins de 20 MW installés actuellement en France, il est encore très difficile d’évaluer la compétitivité à moyen-terme de la production d’hydrogène décarboné par électrolyse de l’eau. Pour le rendre compétitif face à son alternatif carboné (ou hydrogène gris), il est donc essentiel d’amorcer la filière via des aides à la production et au développement des usages, dans l’objectif ultime de faire baisser considérablement le coût de production de l’hydrogène décarboné.

Quels sont les facteurs de coût de l’hydrogène décarboné et comment le réduire?

  • L’électricité explique plus de la moitié des coûts de production de l’hydrogène par électrolyse. Disposer d’une électricité décarbonée en quantité importante, nucléaire ou renouvelable, à un prix limité et stable dans le temps est le premier levier à activer, quelle que soit la taille du projet.
  • La massification de la production d’électrolyseurs et la standardisation des équipements permettra une réduction des coûts d’investissement. D’après l’IRENA dans une étude publiée en 2020, augmenter la taille des projets de 1 MW à 20 MW permettrait de réduire d’un tiers le coût de fabrication d’un électrolyseur. Cependant l’IRENA reconnait que pour des électrolyseurs de très grande taille (100MW), les équipements n’existant pas actuellement, les coûts de production des infrastructures sont encore incertains.
  • Le rendement énergétique des électrolyseurs va s’améliorer. Les travaux de R&D des équipementiers se poursuivent pour améliorer les rendements, facteur essentiel de baisse des coûts marginaux de production de l’hydrogène.
La production d'hydrogène par éléctrolyse de l'eau est la meilleure piste de décarbonation du secteur. En France, la part de l’électrolyse est plus importante que dans le reste du monde. (6% des volumes)

Les économies d’échelle sont-elles si importantes dans un projet de production H2 ?

Contrairement à des projets de production d’électricité photovoltaïque ou éolienne, les coûts opérationnels de la production d’hydrogène décarboné sont importants : le prix de l’hydrogène dépend fortement de la quantité et du prix de l’électricité consommée. Or l’électricité renouvelable locale, permettant de produire un hydrogène vert, peut-être fournie à un prix fixe et compétitif dans le temps à travers des PPA (« Power Purchase Agreement »).

On peut également supposer qu’un giga projet hydrogène va nécessiter de nombreuses années de développement, comparable à un projet éolien offshore par exemple (de l’ordre d’une dizaine d’années). Les projets hydrogène sont complexes et nécessitent de prendre en compte les délais de conception, d’autorisation environnementale, que le raccordement au réseau soit opérationnel…. Ainsi les temps de développement de tels projets sont longs, les processus coûteux et parfois sous-estimés.

Le potentiel de décarbonation de l’hydrogène dans l’industrie : le besoin va au-delà des grands bassins industriels

Il existe un consensus aujourd’hui pour dire que l’hydrogène décarboné va jouer un rôle indispensable à la décarbonation de l’industrie. La question est de savoir pour quelles applications et dans quels secteurs industriels.

On distingue deux principales applications dans l’industrie :

  • L’utilisation de l’hydrogène directement comme matière première dans un processus industriel (ex : production d’ammoniac, production d’acier)
  • L’hydrogène comme combustible pour la chaleur haute température (ex : métallurgie, verrerie, céramique)

Remplacer l’hydrogène gris par de l’hydrogène décarboné, dans un processus industriel utilisant l’hydrogène comme matière première, est l’unique solution pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des industries consommatrices d’hydrogène. Le surcoût réside aujourd’hui dans l’écart entre le prix de l’hydrogène gris et celui de l’hydrogène décarboné. Ce sont ces applications que l’on va retrouver dans les grands bassins industriels français et qui sont visés en priorité.

Voir notre article sur la réduction des émissions de GES avec l’hydrogène vert)

Dans le cas de la production de chaleur haute température, il s’agit de remplacer l’usage de combustibles fossiles (principalement de gaz naturel) par de l’hydrogène décarboné pour produire la chaleur demandée. L’hydrogène entre alors en concurrence avec d’autres solutions : l’électrification directe, le remplacement du gaz naturel par du biométhane, du méthane de synthèse ou du syngas. Le coût de la décarbonation grâce à l’hydrogène décarboné intègre alors non seulement le surcoût du combustible hydrogène décarboné par rapport au combustible fossile utilisé mais aussi le coût du remplacement de l’équipement.

En France sur les 258 TWh de consommation d’énergie finale (principalement fossile) pour des procédés thermiques dans l’industrie, 18 TWh seulement sont déjà électrifiés, et seulement 69 TWh de combustibles additionnels sont potentiellement directement électrifiables* .

Or selon les objectifs de la PPE, la production de biométhane s’élèvera à 21 TWh en 2030 . Le biométhane ne pourra donc jouer qu’un rôle mineur dans la décarbonation de la chaleur industrielle.

Pour décarboner au moins en partie les besoins restants (dont une part importante concernent les industries diffuses), l’hydrogène décarboné “combustion”, seul ou en mix avec du (bio)méthane, fait partie des solutions envisageables. C’est le cas notamment pour les procédés nécessitant des hautes températures de chauffe, aux côtés d’autres solutions comme le méthane de synthèse, produit par méthanation ou pyrogazéification, ou le syngas.

Une analyse fine du besoin et du territoire (ressources en biomasse, disponibilité de réseau…) est donc nécessaire pour déterminer la ou les solutions les plus pertinentes.

Mais il n’existe aujourd’hui pas de réseaux qui permettent d’infuser sur l’ensemble du territoire une production d’hydrogène qui serait uniquement centralisée. Il est nécessaire de produire de l’hydrogène vert localement, dans les territoires qui en ont besoin.

L’hydrogène vert décentralisé pour assurer une continuité territoriale

Les grands bassins industriels français dans lesquels on retrouve nos industries les plus émettrices de gaz à effet de serre (Dunkerque, Fos, Le Havre…) ont besoin de production massive d’hydrogène décarboné pour atteindre leur neutralité carbone.

Est-ce que les industries diffuses sur le territoire (verreries, moyenne métallurgie, plastique…) pourront bénéficier de cette production d’hydrogène décarbonée ? C’est peu probable car il n’existe aujourd’hui pas de réseaux permettant de diffuser sur l’ensemble du territoire une production d’hydrogène qui serait uniquement centralisée.

Il apparaît donc nécessaire, à court et moyen terme, dans un souci de continuité territoriale, de produire de l’hydrogène vert localement dans les territoires éloignés des grands bassins de production.

Ceci permettra :

  • De libérer les territoires d’une dépendance à la disponibilité d’hydrogène une fois les usages massifs servis
  • De ne pas dépendre de la volatilité des coûts du transport par camion, qui peut connaître, comme on a pu l’observer récemment, des variations difficiles à anticiper
  • De ne pas générer d’externalités négatives (émissions de gaz à effet de serre, trafics routiers, nuisances sonores) pour le transport de l’hydrogène.
Un projet hydrogène n’est pas seulement question de compétitivité et de performance technique, c’est aussi un enjeu d’aménagement territorial et d’acceptation sociale.

Un projet hydrogène n’est pas seulement question de compétitivité et de performance technique, c’est aussi un enjeu d’aménagement territorial et d’acceptation sociale

L’hydrogène étant un sujet relativement peu connu de la population. Peu ou mal communiqué, il suscite aujourd’hui beaucoup de méfiance, ce qui peut amener les acteurs locaux à être sceptiques quant à l’intérêt de tels projets ou à craindre une hostilité franche des citoyens.

Développer un projet décentralisé au dimensionnement limité (entre 2 et 30 MW), permet de rapidement démontrer les bénéfices de l’hydrogène et de bénéficier d’un projet concret installé. Mesurer les bénéfices en situation réelle reste le meilleur levier dans le cadre d’introduction de nouvelles technologies, que ce soit au niveau individuel ou collectif.

Fidèle à son ADN, CVE se positionne en tant que fournisseur d’un hydrogène vert, local et engagé sur les territoires. A ce titre, nous sommes cosignataires avec France Hydrogène du « Manifeste Pour une Stratégie nationale hydrogène qui tient ses promesses sur la réindustrialisation ». Nous favorisons la création d’écosystèmes ancrés dans les territoires. Nous nous engageons à développer des projets de production d’hydrogène vert décentralisés, au plus près des usages.

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*source : Etude Alliance Allice, 2022